Quand Geoffrey Garcel n’est pas occupé à protéger et servir Dame Nature en tant que garde de la réserve naturelle des Contamines-Montjoie, il immortalise les plus beaux moments de la vie sauvage avec son appareil photo.
Un petit raidillon nous mène au lac d’Armancette. Quelques promeneurs profitent de la fraicheur du matin pour discuter avant de reprendre la marche. A notre passage, une randonneuse remarque l’uniforme de Geoffrey et essaie discrètement d’attirer l’attention de son mari. Leur chien n’est pas en laisse, et il devrait l’être. Le numéro de mime de madame ne fonctionne pas et le garde de la réserve naturelle des Contamines-Montjoie n’est pas dupe. Geoffrey ne va pas leur infliger une amende, « car le chien était à côté du maître », mais il va leur rappeler la règle et son fondement avec autorité.
« Les missions de surveillance et de patrouille sont primordiales à cette période de l’année vu la forte affluence »
Avec plus de 100 000 passages entre juin et septembre, la plus haute réserve naturelle de France affiche une fréquentation toujours en hausse. Geoffrey est le seul agent de la police de l’environnement habilité à dresser les procès-verbaux sur les 5 500 hectares de territoire que couvre la réserve. « Les missions de surveillance et de patrouille sont primordiales à cette période de l’année vu la forte affluence » explique le grand gaillard. «Les gens ne connaissent pas tous la police de l’environnement, mais les règles sont clairement affichées à toutes les entrées de la réserve et je me dois d’être intransigeant » affirme Geoffrey avec fermeté. Ne pas abandonner de déchets, ne pas allumer un feu, ne pas cueillir de plantes, respecter les horaires de bivouac, et tenir son chien en laisse sont autant de règles que le randonneur doit appliquer dans la réserve.
"La fibre nature prend de plus en plus"
Geoffrey est aidé par Teddy pendant l’été. Le jeune garde saisonnier prend part à toutes les missions et agit plus particulièrement sur le volet sensibilisation. Les deux gardes naturalistes animent des conférences au moins une fois par semaine dans les refuges de la réserve, au village et dans le département. « On constate que la fibre nature prend de plus en plus. Il y a toujours plus de monde aux conférences et aux animations que nous mettons en place » se félicite Geoffrey. Avant d’ajouter : « Cela fait 16 ans que je suis garde aux Contamines, et la réserve est maintenant vue par tout le monde comme un atout, ça n’a pas toujours été le cas ».
Nous passons à proximité du Nant d’Armancette. Geoffrey nous arrête : « A cet endroit il y a quelques semaines il suffisait d’enjamber la rivière, mais avec les orages, une lave torrentielle a creusé un sillon d’environ 6m ». En 2005, une coulée de boue s’était déclenchée ici-même et était descendue jusqu’au village. En montagne, les rappels à l’ordre de la nature sont récurrents.
"J'ai toujours voulu faire garde, même si avant je n'avais pas de mots pour ça"
C’est cette nature sauvage qui a conduit Geoffrey à exercer son métier. Depuis tout petit il a eu besoin du contact avec la nature. Les jumelles en bandoulière, il raconte : « J’ai toujours voulu faire garde nature, même si avant je n’avais pas encore de mot pour ça… Très tôt, mes parents m’ont emmené en montagne. Je passais mon temps à observer les bestioles, puis je me suis rapidement mis à la photo et quand j’arrivais à capturer l’image d’un de mes animaux préférés, je la ramenais comme un trophée ».
Le garde naturaliste le certifie, ce qu’il préfère dans son métier, « c’est le contact avec la faune sauvage et bien sûr toutes les actions qui ont pour but de la protéger ». Il est particulièrement fier de l’aménagement de zones favorables pour la reproduction du Tétra Lyre et de participer à son niveau à l’amélioration de nos connaissances sur le bouquetin.
Geoffrey met en place un piège photo qui servira à l'inventaire de la faune de la réserve.
Les deux rangers se consultent sur la mise en place d’un piège photo qui servira à l’inventaire de la faune, mais aussi à produire des images pour communiquer sur la réserve. Geoffrey repère des arbres marqués par les cerfs. Mais les gardes ont en tête un endroit encore plus propice, à proximité d’une souille qui sert d’abreuvoir. Nous nous enfonçons dans les rhododendrons pour rejoindre le lieu visé. « La production de photos et de vidéos est importante pour la sensibilisation du public » assure Geoffrey en installant le piège sur le tronc d’un épicéa.
"Tu vois ici c'est une couche à chamois avec vue sur la vallée"
Ces deux passionnés de nature en sont convaincus, « pour le repérage des animaux, l’expérience sur le terrain est primordiale ». Geoffrey et Teddy ont aiguisé leur technique de repérage avec la photo animalière. Il faut bien sûr savoir pister et reconnaître les traces des bêtes, mais aussi comprendre leurs déplacements diurnes et nocturnes, et ainsi trouver les meilleurs emplacements pour les observer et les comptabiliser sans les déranger. Comme pour illustrer ses propos, Geoffrey m’emmène sur un petit éperon tapis de fèces, à l’abri de la pessière, et me dit à voix basse: « Tu vois ici c’est une couche à chamois, avec vue sur la vallée… ».
Après avoir débusqué un épervier avec ses jumelles, Geoffrey nous conduit dans l’îlot de senescence. Il s’agit d’une forêt volontairement abandonnée à un vieillissement naturel, jusqu’à l’effondrement des arbres et leur renouvellement. Ce procédé favorise la biodiversité car les vieux arbres et le bois mort hébergent des espèces spécifiques. Geoffrey descend avec assurance au milieu des arbres centenaires qui s’accrochent au relief escarpé. Il se réjouit : « J’aime beaucoup cet endroit et il y a longtemps que je n’étais pas passé par ici. C’est l’occasion de vérifier l’état de la forêt ». Ces espaces privilégiés sont parfois visités par des scientifiques que le garde haut-savoyard accompagne dans leur mission.
Avant de rejoindre le sentier, Geoffrey souhaite jeter un œil à une passerelle qui a été dégradée par les récents orages. « Je fais régulièrement remonter à la commune ce type de dégâts vu que je suis tout le temps sur le terrain » confie-t-il. Suite à son alerte, un arrêté communal a été publié pour interdire l’accès au sentier qui emprunte la passerelle endommagée.
Nous croisons "Gégé" l'ancien garde champêtre coiffé de son chapeau tyrolien
Sur la route qui mène au village, nous croisons « Gégé », l’ancien garde forestier, coiffé de son chapeau tyrolien. Le septuagénaire consacre son temps libre à arpenter les sentiers des deux Savoies et à raconter l’histoire du village des Contamines aux touristes. Il a vu la création de la réserve et a suivi son développement avant de passer le relai à Geoffrey il y a 16 ans. Les confrères échangent quelques informations de terrain, et le Contaminard nous prend à partie, l’œil rieur : « Ils ont l’air sévères comme ça avec leurs uniformes, mais ce sont des drôles de drilles ces deux-là ! ».
Geoffrey est heureux de l’implication de tous les acteurs locaux dans la mise en valeur de la réserve naturelle et trouve que « ça va dans le bon sens », même si « dans un monde parfait il ne devrait pas avoir besoin de réserve naturelle ».
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